Changement climatique et santé mentale



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Mercredi 19 janvier 2022

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CHANGEMENT CLIMATIQUE
ET SANTÉ MENTALE

Entre l’Inde et le Bangladesh, l’archipel des Sundarbans constitue la plus grande forêt de mangrove au monde. La biodiversité des Sundarbans est riche d’un grand nombre d’espèces dont le tigre du Bengale, les dauphins de l’Irrawady et du Gange, des tortues marines, des crocodiles, des serpents et des oiseaux. En raison du changement climatique, l’élévation du niveau de la mer menace sévèrement cette région. La hausse de la salinité détruit la végétation et notamment le Sundari, cet arbre qui donne son nom à la forêt. Au cours des dernières années, plusieurs îles ont été englouties et des milliers d’habitants ont déjà été contraints à l’exil.

Les catastrophes naturelles (tempêtes et inondations, tornades, tsunamis, incendies) ainsi que les chaleurs extrêmes (canicules, sécheresse) ont un impact direct sur la santé mentale des personnes qui y sont exposées.

Ce sont des facteurs de risque de syndrome de stress post-traumatique, troubles du sommeil, troubles anxieux, dépression, deuil, suicide. Un sentiment durable d’insécurité peut s’installer ainsi qu’une crise identitaire avec perte des liens sociaux et de solidarité.

Les fortes chaleurs ont également un impact direct sur la santé mentale : des études réalisées au Canada et en Australie montrent une augmentation de la fréquentation des urgences psychiatriques lors des pics de chaleur, pour des troubles de l’humeur et du comportement ainsi que des troubles anxieux. Une méta-analyse de plusieurs études réalisées dans différents pays rapporte une corrélation entre le taux de suicide et les chaleurs extrêmes. Une augmentation de 1° de température serait associée à une hausse de 1% de l’incidence de suicide. Ceci s’expliquerait par une augmentation des taux de sérotonine lorsque la température augmente.

Plus largement, nous sommes tous concernés par l’impact graduel et indirect du changement climatique. Nous vivons des expériences directes de ce changement et nous recevons régulièrement de nombreuses informations qui conduisent à une modification progressive de notre perception du monde, de nous-mêmes et des autres.

Ces informations, massives et inquiétantes, peuvent générer deux types de réactions :

  • Le déni est un processus psychique qui nous protège des angoisses qu’une perception traumatisante de la réalité nous occasionne. La difficulté de nombreuses personnes à prendre conscience du changement climatique peut relever de ce processus ;
  • Une peur profonde et des émotions douloureuses, pouvant aller jusqu’à une authentique dépression :
    • La solastalgie est une contraction du mot anglais « solace » qui signifie réconfort, et du mot grec « algos » qui signifie douleur. La solastalgie décrit la douleur de voir un lieu connu, transformé définitivement du fait du changement climatique : on se souvient d’un lieu tel qu’il était à une période de notre vie et on prend conscience de sa transformation irrémédiable.
    • L’éco-anxiété représente l’inquiétude ressentie face aux événements qui menacent l’avenir de l’humanité. La peur légitime de vivre une catastrophe climatique et de perdre son environnement peut évoluer vers un véritable trouble anxieux. Certaines personnes, en particulier les adolescents et jeunes adultes, peuvent développer des attaques de panique, une insomnie, des troubles compulsifs etc. L’impuissance ressentie peut générer de la culpabilité et/ou de la colère.
    • Le deuil écologique est la douleur ressentie suite à des pertes environnementales. Ces pertes peuvent être physiques et brutales lors d’une catastrophe naturelle, mais aussi progressives et graduelles concernant l’écosystème. La perte d’un territoire rattaché à une histoire et une culture peut entrainer une perte d’identité et de repères de vie. Ces expériences peuvent entrainer une souffrance par anticipation de futures pertes éventuelles.
    • Une étude menée auprès de 10 000 personnes dans 10 pays et publiée dans The Lancet Planetary Health rapporte que 75% des jeunes de 16 à 25 ans jugent l’avenir «effrayant» et n’ont plus foi en l’humanité. À l’extrême de ce phénomène, on trouve le mouvement Ginks «green inclination, no kids» ou «engagement vert, pas d’enfant !»

Le changement climatique a des répercussions sur le rapport à l’autre et donc sur la société. La cohésion sociale est fragilisée par les tensions, les agressions interpersonnelles, la violence intra familiale et les crimes. Les catastrophes naturelles entraînent des catastrophes humaines avec des déplacements migratoires à l’origine de conflits politiques et économiques.

Les populations les plus vulnérables sont les personnes vivant dans une zone à risques, les indigènes très proches de la nature, les communautés les plus pauvres, certaines professions telles que les agriculteurs, les personnes souffrant d’un handicap ou d’une maladie chronique ainsi que les femmes, les enfants et les personnes âgées.

Comment faire face à une éco-anxiété ?

Si les troubles anxieux et / ou les symptômes dépressifs affectent gravement la qualité de vie, il est nécessaire de consulter un psychiatre ou un psychologue pour une prise en charge adaptée : psychoéducation, thérapie de soutien, thérapie cognitive et comportementale, traitement médicamenteux etc.

Une bonne santé mentale ne se limite pas à l’absence de trouble. Telle que définie par l’OMS, une bonne santé mentale correspond à un état de bien-être mental et psychologique. Plusieurs approches peuvent contribuer à accueillir et apaiser les souffrances psychiques en lien avec le changement climatique :

Sélectionner ses sources d’information et ne pas s’exposer à une information excessive et anxiogène car exagérément catastrophiste, est un premier pas pour se protéger ;

Profiter de la nature : de très nombreuses études ont montré les bienfaits des espaces verts sur le bien-être et la santé en général. Plusieurs auteurs se sont intéressés au rôle thérapeutique des jardins dans les hôpitaux. Une recherche produite en Pennsylvanie en 1984, portant sur un Service de chirurgie de la vésicule biliaire a montré que les patients dont les fenêtres donnaient sur des arbres verts guérissaient plus vite, avaient besoin de moins de médicaments et présentaient moins de complications.
3 à 5 minutes seulement à regarder l’eau, les fleurs ou les arbres peuvent contribuer à réduire la colère, la douleur et l’anxiété et apporter un sentiment de relaxation.
Au Pays-Bas, des études menées dans les années 2000, ont montré que les personnes vivant dans des régions verdoyantes ressentent moins de stress, d’anxiété et de dépression. En ville, la proximité d’espaces verts permet plus de bien-être et moins de souffrance psychique.

« Imaginez seulement l'énergie et la vitalité de ce lieu dans les jours et les années à venir. Déjà, nous dit-on, de nombreux oiseaux et papillons ont élu domicile dans ces espaces restaurés. Bientôt, ils seront rejoints par des écoliers qui viendront y découvrir de nombreux nouveaux micro-habitats, par des scientifiques souhaitant approfondir leurs recherches écologiques, par des artistes qui se produiront dans le magnifique amphithéâtre des jardins, par des historiens et par d'autres visiteurs qui côtoieront des dizaines de monuments historiques préservés (…) .

Fleurs et papillon, Sundar Nursery, New Delhi.

Ces jardins représentent un véritable cadeau du passé et continueront d’être offerts encore longtemps aux générations futures. »

Mawlana Hazar Imam, Inauguration de la Sundar Nursery, New Delhi, Inde, 21 février 2018

 

Les groupes de parole peuvent constituer un soutien important : le rythme trépidant de la vie dans les grandes villes, le temps passé dans les transports, ne facilitent pas le maintien de relations interpersonnelles de qualité. Ceci s’est encore aggravé avec l’épidémie de la covid-19. Partager la parole autour d’une préoccupation commune, s’autoriser à ressentir et exprimer ses émotions nous protège d’un événement dépressif ;

Au quotidien, adapter son mode de vie et se mettre en action est un facteur de résilience et de mieux-être :
Tenter de réduire sa propre empreinte carbone par les choix de vie concernant l’alimentation, l’activité physique, les différentes consommations, les modes de déplacement etc. permet de lutter contre le sentiment d’impuissance ;

S’engager auprès des associations locales pour aider les victimes de catastrophes climatiques et pour contribuer à développer les compétences et outils nécessaires pour préparer, surveiller les risques de catastrophe et ainsi pouvoir intervenir efficacement ;

Les stratégies pour faire face à l’éco-anxiété comprennent également la pleine conscience. Lorsque l’on se sent dépassé par les événements, il est nécessaire de se reconnecter à l’instant présent.
Cela ne se réduit pas à la méditation de pleine conscience, plutôt contemplative, mais peut concerner chacune de nos actions : fixer son attention sur le ressenti physique quand on marche, redécouvrir la texture et le goût d’un aliment, etc, tout au long de la réalisation de nos tâches du quotidien. La pratique d’une activité artistique ou manuelle permet également de s’ancrer dans une expérience au présent et de cultiver un nouveau rapport au monde.

Ce nouveau rapport au monde doit pouvoir résister au catastrophisme et rester tourné vers l'avenir et la recherche de solutions, avec le progrès technologique et les nouvelles ingénieries climatiques, pour continuer à améliorer la qualité de la vie humaine et sauvegarder notre planète.

 


CLIMATE CHANGE
AND MENTAL HEALTH

Spreading over India and Bangladesh, the Sundarbans archipelago is the largest mangrove forest in the world. The biodiversity of the Sundarbans is rich in a large number of species including the Bengal tiger, Irrawaddy and Ganges river dolphins, marine turtles, crocodiles, snakes and birds. Due to climate change, sea level rise poses a severe threat to this region. Rising salinity is destroying vegetation, including the Sundari trees that give the forest its name. In recent years, several islands have been swallowed whole and thousands of inhabitants have already been forced into exile.

Natural disasters (storms and floods, tornadoes, tsunamis, fires) as well as extreme heat (heat waves, drought) have a direct impact on the mental health of people who are exposed to them.

They are risk factors for post-traumatic stress disorder, sleep disorders, anxiety disorders, depression, bereavement and suicide. A long-lasting feeling of insecurity can develop as well as an identity crisis with the loss of social ties and solidarity.

Hot weather also has a direct impact on mental health : studies carried out in Canada and Australia show an increase in visits to psychiatric emergencies during heat waves, for mood and behavior disorders as well as anxiety disorders. A meta-analysis of several studies carried out in different countries reports a correlation between the suicide rate and extreme heat. An increase of 1° in temperature is associated with a 1% increase in the incidence of suicide. This can be explained by an increase in serotonin levels when the temperature rises.


Video :

Bears on the Brink (4'16")

This episode of #VoicesFromTheRoofOfTheWorld features the impact of #climatechange and drought on the endangered Himalayan brown bears and golden marmots found in the Deosai National Park in Gilgit-Baltistan, impact on local communities in the buffer zone, human-wildlife conflict and #ecotourism.


 

More broadly, we are all concerned by the gradual and indirect impact of climate change. We have direct experiences of this change and we regularly receive a lot of information that leads to a progressive modification of our perception of the world, of ourselves and of others.

This information, massive and worrying, can generate two types of reactions:

  • Denial is a psychic process that protects us from the anguish that a traumatic perception of reality causes us. The difficulty many people have in becoming aware of climate change may be due to this process;
  • A deep fear and painful emotions, which can go as far as an authentic depression:
    • Solastalgia is a contraction of the English word "solace" meaning comfort, and the Greek word "algos" meaning pain. Solastalgia describes the pain of seeing a familiar place permanently transformed by climate change: we remember a place as it once was in our lives and we become aware of its irreparable transformation.
    • Eco-anxiety represents the anxiety felt in the face of events that threaten the future of humanity. The legitimate fear of experiencing a climate catastrophe and losing one's environment can evolve into a real anxiety disorder. Some people, especially teenagers and young adults, may develop panic attacks, insomnia, compulsive disorders etc. The helplessness felt may generate guilt and/or anger.
    • Ecological grief is the pain felt as a result of environmental losses. These losses can be physical and brutal during a natural disaster, but also progressive and gradual concerning the ecosystem. The loss of a territory linked to a history and a culture can lead to a loss of identity and life references. These experiences can lead to suffering in anticipation of future losses.
    • A study of 10,000 people in 10 countries published in The Lancet Planetary Health reports that 75% of 16-25 year olds consider the future to be "scary" and have lost faith in humanity. At the extreme of this phenomenon is the Ginks «green inclination, no kids» movement.

Climate change has repercussions on relationship and therefore on society. Social cohesion is weakened by tensions, interpersonal aggression, intra-family violence and crime. Natural disasters lead to human disasters with migratory movements that cause political and economic conflicts.

The most vulnerable populations are people living in an area at risk, indigenous people in close proximity to nature, the poorest communities, certain professions such as farmers, people with disabilities or chronic illnesses, as well as women, children and the elderly.

How to cope with eco-anxiety?

If anxiety disorders and/or depressive symptoms seriously affect the quality of life, it is necessary to consult a psychiatrist or a psychologist for an adapted treatment: psycho-education, supportive therapy, cognitive and behavioral therapy, medication, etc.

Good mental health is not limited to the absence of a disorder. As defined by the WHO, good mental health is a state of mental and psychological well-being. Several approaches can help to welcome and alleviate mental suffering related to climate change:

Selecting your sources of information and not exposing yourself to excessive and anxiety-provoking information which it is exaggeratedly catastrophist, is a first step to protect oneself;

Enjoying nature: numerous studies have shown the benefits of green spaces on well-being and health in general. Several authors have studied the therapeutic role of gardens in hospitals. A 1984 Pennsylvania study of a gallbladder surgery ward showed that patients with windows overlooking green trees recovered faster, required less medication and had fewer complications.
Just 3 to 5 minutes looking at water, flowers or trees can help reduce anger, pain and anxiety and bring a sense of relaxation.
In the Netherlands, studies conducted in the 2000s, showed that people living in green areas experienced less stress, anxiety and depression. In the city, the proximity of green spaces allows more well-being and less psychological suffering.

Gardens of the Ismaili Centre, Toronto

"The Garden has for many centuries served as a central element in Muslim culture. The Holy Qur’an, itself, portrays the Garden as a central symbol of a spiritual ideal – a place where human creativity and Divine majesty are fused, where the ingenuity of humanity and the beauty of nature are productively connected. Gardens are a place where the ephemeral meets the eternal, and where the eternal meets the hand of man."

Mawlana Hazar Imam,
Inauguration of the Aga Khan Park,
Toronto, Canada, 25 May 2015

 

Discussion groups can be an important support: the hectic pace of life in large cities and the time spent in transport do not help maintain quality interpersonal relationships. This has become even worse with the covid-19 epidemic.
Sharing the word around a common concern, allowing oneself to feel and express one's emotions protects us from a depressive event;

On a daily basis, adapting one's lifestyle and taking action is a factor of resilience and well-being:
Attempting to reduce one's own carbon footprint through lifestyle choices around diet, physical activity, consumption patterns, means of travel, etc helps fight the feeling of helplessness;
Engaging with local associations to help victims of climate disasters and to contribute to the development of the skills and tools necessary to prepare for, monitor disaster risks and thus be able to intervene effectively;

Strategies for coping with eco-anxiety also include mindfulness. When one feels overwhelmed by events, it is necessary to reconnect to the present moment.
This is not limited to mindfulness meditation, which is more contemplative, but can involve each of our actions: fixing our attention on the physical sensation when we walk, rediscovering the texture and taste of a food, etc., throughout our daily tasks. The practice of an artistic or manual activity also allows us to anchor ourselves in an experience in the present and to cultivate a new relationship with the world.

This new relationship to the world must be able to resist catastrophism and remain turned towards technological progress, new climatic engineering, to continue to improve the quality of human life and safeguard our planet.

 

Si vous ou une personne de votre entourage se trouve en situation de souffrance psychique, n'hésitez pas à faire appel à un professionnel de santé mentale pour une aide appropriée.

Vous pouvez également nous contacter à [email protected].

If you or one of your relatives suffer from mental health issue, do not hesitate to get help from a mental health professional.

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